Le TGV doit-il se contenter des grandes villes ? Le gouvernement a demandé à Jean-Cyril Spinetta, ancien PDG d’Air France-KLM, de mener une réflexion sur l’utilisation du TGV. Un mois après le lancement des Assises de la Mobilité, censées déboucher sur une nouvelle stratégie d’aménagement des transports pour les Français et une amélioration des conditions des « trajets du quotidien », le gouvernement compte bien donner un coup de lifting à sa vitrine de l’industrie ferroviaire. À l’aube de l’ouverture du trafic ferroviaire commercial à la concurrence, prévue pour 2020, l’État et la SNCF n’ont pas de temps à perdre.
Après des années de développement et d’exploitation des lignes à grande vitesse, le gouvernement fait un double constat implacable : le TGV n’est pas économiquement viable et il a, malgré lui, créé des inégalités entre les territoires. Elisabeth Borne, ministre chargée des Transports, a identifié ces problèmes en déplorant « un réseau à deux vitesses » et un problème de rentabilité des « dessertes fines ». À terme, il se pourrait qu’il y ait une réduction du nombre de gares desservies par le TGV.
Le problème des dessertes
À l’origine, le TGV a été imaginé pour relier des grands bassins de population en circulant à plus de 250 km/h sur des voies aménagées (LGV). Ces rames circulent cependant durant « près de 40% du temps sur des lignes classiques » à petite vitesse, selon un rapport critique de la Cour des comptes établi en 2014.
Un aperçu de la carte SNCF des 230 destinations desservies permet de comprendre cette anomalie. Le TGV s’arrête dans des petites communes comme Remiremont (7.000 habitants) alors qu’elles ne se trouvent pas sur des lignes à grande vitesse. « Si on prend un parallèle avec l’aérien, on ne dessert pas Brive en A380 », souligne d’ailleurs Élisabeth Borne.
Aussi, une multitude d’arrêts existent sur des grands axes tels que Paris-Lyon ou Paris-Strasbourg. Là aussi, le souci a été identifié par la Cour des comptes : « Pour rester cohérents en termes de gain de temps autorisé par la grande vitesse, les arrêts intermédiaires devraient ainsi être aussi peu nombreux que possible sur les LGV, sauf exception justifiée par un large bassin de population. En comparaison, le Tokaïdo Shinkansen, au Japon, ne dessert que 17 gares tout en transportant 50 % de voyageurs de plus ». Résultat : près de 70% des dessertes sont déficitaires.
Corriger une erreur politique ?
À qui la faute ? « Il ne faut pas faire porter toutes les responsabilités sur la SNCF. C’était l’opérateur de l’État et ça continue à l’être », souligne Bertrand Pancher, député de la Meuse et ancien co-rapporteur de la mission d’évaluation de la Réforme ferroviaire, au micro de RTL. Cette problématique revêt ainsi une dimension politique. Jean-Pierre Audoux, délégué général de la Fédération des industries ferroviaires, avait évoqué pour RTL.fr la volonté des pouvoirs publics de développer un « TGV de masse » pouvant transporter un maximum de monde dans toute la France.
Cette stratégie a donc été pilotée en niant le principe même du TGV. « J’ai vu la montée des demandes de TGV, se rappelle Bertrand Pancher. Chaque élu local voulait son TGV parce que c’était une image de modernité« . Les limites du TGV pour tous ont rapidement été atteintes, à cause de la croissance du trafic en berne.
Le réseau secondaire en pâtit
En persévérant durant plusieurs années dans cette politique, les pouvoirs publics et la SNCF auraient fragilisé l’ensemble du réseau ferroviaire, au point même de déstabiliser sérieusement des sites de production de l’industrie ferroviaire. Pour sauver l’usine Alstom de Belfort, l’État avait même envisagé dans un premier temps d’acheter des TGV pour les faire circuler exclusivement sur des voies classiques, faute de place.
« Le tout-LGV a été catastrophique, fustige Bertrand Pancher. Cela a conduit à l’abandon de l’ensemble du réseau secondaire. Comme on est dans un État hyper centralisé qui ne veut jamais changer, et qu’on ne fait pas confiance aux territoires, on a laissé les régions se débrouiller sans moyen complémentaire. (…) En termes d’entretien des lignes traditionnelles et d’acquisition de matériel de type TER, on a pris un retard considérable« . Les TER, ce sont justement des maillons essentiels des « trajets du quotidien », ceux qui ont la priorité d’Emmanuel Macron.
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